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LE VIDEO-BLOG DE JENB PRODUCTIONS
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LE VIDEO-BLOG DE JENB PRODUCTIONS
3 février 2010

Blogs, Posteurs et Politique : Peut-on filmer un Conseil Municipal ?

Voilà un problème que nous avions rencontré lors du dernier Conseil Municipal présidé par Nicole Rivoire, alors Maire (MoDem) de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), en février 2008. Après quelques instants de flottement dans l'entourage du Maire (il semblerait que c'était la première fois qu'elle était confrontée à cette situation), l'incident s'était terminé favorablement pour nous.

Dans un récent article, notre collègue posteur François Duarté, du blog 93sang30, évoque les conditions, semble-t-il drastiques, qui lui ont été imposées lors de la dernière séance. Ainsi, d'après l'auteur « (...)  il vient aussi,  tout  juste,  d’être  décidé  d’un tout petit  périmètre, lors des séances du conseil municipal, pour les caméras :  un  petit  espace  en  triangle  au fond de la salle, dans lequel je devais me placer ! (...) »

Il convient donc peut-être de rappeler quelques règles de droit applicables lors d'une séance du Conseil Municipal.

          Image d'illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
          © Archives JENB Productions

Dispositions générales

Hormis les cas aussi rares que particuliers des séances tenues à huit-clos [1] auxquelles le public n'est pas autorisé à assister, le cadre législatif général d'une séance du Conseil Municipal est la publicité des débats [2].

Ainsi, la convocation et l'ordre du jour doivent être affichés en Mairie (voire sur des panneaux annexes d'affichages municipaux dans les quartiers) pour inviter le public à assister aux débats.

D'usage, la séance se déroule en mairie. Elle peut être délocalisée en un autre lieu de la commune, comme ce fût le cas à Noisy-le-Sec le 14 janvier dernier, mais le lieu de la séance ne doit pas contrevenir « au principe de neutralité, qu'il offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances » [3]. Il doit répondre aux critères habituels de sécurité appliqués aux lieux recevant du public, critères variables selon la capacité de la salle.

En conséquence, toute personne peut assister à une séance du Conseil Municipal.

Police de l'Assemblée

C'est sans doute cette notion qui pose le plus de problème dans son interprêtation. En effet, C'est le Maire, et lui seul, qui détient les pouvoirs de Police de l'Assemblée : « Le maire a seul la police de l'assemblée. Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. » [4] .

Mais où se situe la notion de "trouble" pour une bonne sérénité des débats ?

D'une façon générale, le public n'est pas autorisé à s'exprimer. Il n'est pas autorisé non plus à manifester son approbation ou sa désapprobation lors des débats. Le public doit donc respecter cette règle de base, applicable à tous, dès lors que la séance est déclarée ouverte.

Cas particuliers des blogueurs

Les blogueurs citoyens qui assistent à une séance du Conseil municipal le font généralement dans le but de diffuser ensuite sur leur blog tout ou partie des débats. Progrès technologiques obligent, de plus en plus d'entre eux procèdent à un enregistrement de la séance, audio ou vidéo, ainsi que des photographies.

En l'espèce, l'affaire Ferdinand Bernhard, est assez éloquente [5]. Cet élu UDF en 2005 avait vu l'une de ses décisions (faire une demande écrite 72h à l'avance pour filmer un conseil municipal) annulée par le Tribunal administratif. malgré tout, au début de la séance suivante, l'édile avait déclaré : « (...) Je précise donc que je considère que le fait de filmer est de nature à troubler les débats, je demande donc aux personnes qui sont en train de filmer d’arrêter de filmer. Premier avertissement. Les personnes continuant de filmer, je fais donc réquisition à monsieur le commissaire de police pour faire arrêter les films, (...) » Il y a là un abus de pouvoir caractérisé parfaitement attaquable en justice.



D'ailleurs, un jugement du tribunal administratif de Nice en date du 5 mai 2008 est précis : « l'enregistrement audiovisuel ne peut pas être soumis à un régime d'autorisation préalable.»

Mais c'est sans doute l'intervention d'une Députée qui expose clairement la problématique.

Suite à une question posée en mai 2005 par la députée UMP Mme Zimmermann [6], le Ministre de l'Intérieur est catégorique : « En vertu des pouvoirs de police de l'assemblée qu'il tient des dispositions de l'article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire de prendre les mesures propres à assurer le déroulement normal des séances du conseil municipal. Le principe de publicité des séances posé par l'article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l'assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à considérer comme illégale l'interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l'enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux de l'assemblée communale (CAA de Bordeaux, 24 juin 2003 n° 99BX01857 ; CE, 2 octobre 1992, commune de Donneville ; CE, 25 juillet 1980, M. Sandre). »

Une position ministérielle confirmée au Sénat en décembre 2008 lors d'une réponse à une question du Sénateur Jean-Louis Masson (NI) [7] .

En l'espèce, la position ministérielle, confortée par la jurisprudence, autorise tout citoyen à filmer une séance du Conseil Municipal.

Dans quelles conditions filmer

Sauf si le Maire l'autorise à se placer en un endroit plus propice à une captation de qualité, ce qui est généralement accordé si la demande est formulée poliment,  le blogueur devra donc se positionner dans l'espace réservé au public, sans gêner ce dernier. Le fond de salle semble le plus adapté. Les zooms actuels permettant malgré tout des plans rapprochés. Autre avantage, le public est ainsi filmé de dos, ce qui évite tout problème de droit à l'image. La torche (ou minette) est à bannir, d'autant que l'éloignement la rendra inéfficace.

Pour les photographies, le flash est fortement déconseillé.



      Image d'illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
      © Archives JENB Productions


Droit à l'image


La législation est très claire en ce domaine : « Toute personne, quelque soit sa notoriété, dispose d’un droit exclusif sur son image (brute ou faisant partie d’un montage photographique) et l’utilisation de celle-ci. Elle peut s’opposer à une diffusion sans son autorisation et éventuellement aller en justice » [8]. Concrêtement, lors d'un Conseil municipal, on ne peut filmer ou photographier sans son autorisation, une personne isolée dans le public. En vidéo, vous pouvez enregistrer l'accord de la personne en début de captation. De même, le seul fait pour une personne de répondre à une interview vidéo vaut accord tacite. En photographie, en revanche, vous n'avez d'autre choix que de faire signer une autorisation écrite pré-remplie.

Toutefois, un conseil municipal étant par définition une manifestation publique dans un lieu public, des plans larges (plans masse) du public sont autorisées.

Concernant les élus :  « Les personnages publics ou célèbres peuvent ainsi voir leur image utilisée à des fins d’actualité ou de travail historique, dans l’exercice de leur activité professionnelle et dans le respect de la dignité humaine » [8]

La loi autorise donc les élus à être filmés lors de manifestations publiques lorsqu'ils interviennent dans le cadre de leur fonction élective. Ce qui est le cas du Conseil Municipal, mais aussi de toute autre manifestation : prise de parole lors d'un évènement sportif, culturel ou associatif, par exemples.

Retranscription des débats sur son blog

Tout citoyen peut demander copie du compte-rendu des séances [9] pour les publier sous sa responsabilité.

Il apparait donc très difficile de faire un résumé vidéo d'un Conseil municipal qui a duré plusieurs heures. Il faudra immanquablement faire des coupes dans les rushs au risque de dénaturer les débats et d'apporter au lecteur une information tronquée involontairement ou manipulée volontairement. L'intérêt de la vidéo peut donc, à mon sens, se concevoir uniquement sur un sujet particulier porté par le Conseil.

Pour retranscrire une séance complête, il y a plus intérêt à la traiter sous une forme analytique écrite en citant des passages des intervenants préalablement enregistrés sur un dictaphone numérique.

Si vous avez des informations jurisprudencielles plus récentes ou un témoignage particulier sur cette thématique, n'hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires.

Pour conclure cet article et en revenir à notre collègue blogueur, il y a lieu de considérer en l'espèce que l'attitude des élus à son égard est totalement conforme à la loi.

Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
© 03 février 2010 - JENB PRODUCTIONS

Vous avez une information, une correction, un témoignage ou un document sur ce sujet ? Vous avez repéré une erreur ? Ecrivez à jenbproductions@dbmail.com avec votre correction et en indiquant l'url du post.

à Lire également sur nos pages :

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 Environnement : Anarchie automobile
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Sources et références :

[1]
CarrefourLocal.sénat.fr
[2] Article L2121-18 du Code des Ciollectivités territoriales
[3] Article L2121-7 du Code des Collectivités territoriales.
[4] Article L2121-16 du Code des Collectivités Territoriales
[5] Article de Olivier Vermert sur Cuverville.org
[6] Question N° 64615 - Députée  Mme Zimmermann (UMP) au Ministre de l'Intérieur
[7] Question n° 05849 du Sénateur Masson du 16.10.2008
[8] Site du gouvernement
[9] Article L2121-26 du Code des Collectivités territorales

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Commentaires
R
Les faits que vous dénoncez dans votre commentaire sont totalement inadmissibles. Ainsi, vous pouvez poursuivre l'auteur des faits pour plusieurs motifs :<br /> <br /> - Coups et blessure volontaires sur un élu dans le cadre de sa mission élective, aggravés par le fait que l'auteur présumé est lui-même un élu. Ce sont des faits de droits communs à porter devant une chambre correctionnelle ; A vous de procurer une certificat médico-légal précisant le nombre de jours d'ITT. Il y a lieu en l'espèce de vous porter partie civile pour accéder au dossier et prétendre à solliciter des dommages et intérêts ; Vous avez également intérêt à demander au titre des dommages causés, une publication judiciaire dans deux journaux de votre choix (en fonction de votre lieu géographique)des attendus du jugement.<br /> <br /> - Destruction volontaire d'un bien appartenant à autrui, fait aggravé par la qualité d'élu de l'auteur présumé. Là encore, il s'agit d'une affaire de droit commun à laquelle il convient également de se porter partie civile.<br /> <br /> - Abus de pouvoir à l'encontre de l'auteur présumé. La plainte devra être portée devant une juridiction administrative en raison de la qualité d'élus des parties en conflit.<br /> <br /> - Trouble à l'ordre public puisque l'auteur présumé a entaché le bon déroulement de la séance du fait de son comportement. Là encore, il s'agit d'une juridiction administrative du fait de la qualité des protagonistes et des faits incriminés (conseil municipal) ;<br /> <br /> D'autres élus ou blogueurs nous ont contactés suite à cet article. <br /> <br /> Nous ne pouvons que réitérer qu'ils sont dans leur plein droit à capter toute ou partie de la séance. <br /> <br /> Tout refus qui leur serait opposé doit systématiquement être attaqué devant un tribunal administratif.<br /> <br /> Sur 36.000 Maires en France, seule une poignée de récalcitrants posent problèmes. Il convient de leur rappeler, si nécessaire par voie judiciaire, que nous sommes en République et que "les baronnies locales" phagocytées par quelques mégalomaniaques remontent à une autre époque. Place à la démocratie et à la liberté d'expression. <br /> <br /> Un Blogueur voisin de notre ville a récemment attaqué à deux reprises son maire devant une juridiction administrative pour avoir déclaré deux séances consécutives à huis-clos pour cause de captation vidéo non acceptée par le maire. Le dossier est en cours.<br /> <br /> Nous sommes au XXIème siècle et les citoyens, blogueurs ou non, ont des droits qu'il est parfois nécessaire de rappeler à ces petits "barons locaux" qui considèrent leur ville comme leur propriété exclusive. Nous ne sommes ni leur serf ni leur esclave d'un temps révolu. <br /> <br /> Cette baronnie pose le problème de la succession des mandats locaux et des cumuls de mandats. Le Législateur serait bien inspiré de réduire le mandat de maire à deux successifs maximum, cela éviterait à certains de se prendre pour des petits roitelets ayant tous pouvoirs sur leur commune, pour certains parfois depuis plusieurs décennies.<br /> <br /> Cordialement
P
Au conseil municipal de Brie-sous-Matha, petite commune de Charente-Maritime, où j’ai été élu conseiller en 2008 (seul, contre la liste du maire), je viens de vivre coup sur coup, deux épisodes assez croquignolesques.<br /> <br /> Le 4 février, dès le début du Conseil, le Maire a tenté de m’expulser pour motif de "trouble à l’ordre public" parce que j’avais posé sur la table mon baladeur mp3 à 30€, avec lequel j’enregistre habituellement les séances du conseil. J’ai refusé de m’exécuter. Il a fait appel aux gendarmes qui sont venus m’interpeller dans la salle du conseil. Après m’avoir posé deux ou trois questions, comme ils n’avaient pas grand chose à se mettre sous la dent, ils m’ont laissé reprendre ma place en séance. Le Maire, faute d’obtenir satisfaction, a levé alors la séance. J'ai tout dû aller à la gendarmerie pour répondre à des questons.<br /> <br /> Samedi 6 février à l'issue de la 4ème réunion de Conseil de la semaine, le Maire, très énervé est venu vers moi le poing levé, m'a empoigné. Il m'a pris mon baladeur, l'a jeté au sol, piétiné et démoli à grands coups de talon. Puis il s'est précipité sur moi, m'a fait tomber au sol toujours en me menaçant du poing. J'en suis quitte pour quelques ecchymoses et un baladeur cassé. Dès la fin de la réunion, je suis allé porter plainte pour violences à la gendarmerie. Je ne pouvais pas imaginer que la présence d'un baladeur allait entraîner un tel déchaînement de violence. Ce baladeur, un symbole d'expression démocratique, intolérable pour un maire qui ne supporte aucune forme d'opposition.<br /> <br /> Il en faudra beaucoup plus pour m'empêcher d'agir pour une réelle transparence de la vie municipale.<br /> <br /> Plus de détails sur mon blog "Briellois" en suivant le lien de ce post.
M
Nous avons connu des faits similaires à Romainville, et depuis, malgré que les C.-M. Ne soit plus filmés, il n'y a plus pour l'instant ce genre de problème. Les mêmes réf que celles que vous donnez avaient à l'époque été produits sur les blogues romainvillois.<br /> <br /> Accrochez-vous !
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